La recherche et le mémoire à l’ÉSAL
« Il n’y a pas de pensée sans représentation ; penser est toujours nécessairement mettre en mouvement, dans certaines directions et selon certaines règles (non nécessairement maitrisées, ni les unes, ni les autres), des représentations : figures, schèmes, images de mots — et cela n’est ni accidentel, ni condition extérieure, ni étayage, mais l’élément même de la pensée. »
Cornélius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société, 1975.
Dès l’entrée dans l’école, les étudiants apprennent à construire leur pensée et à la réaliser en expérimentant différentes formes de création. Les trois premières années jusqu’au DNA — grade Licence du Ministère de l’Enseignement supérieur — sont ainsi consacrées à l’acquisition d’un éventail de savoir-faire, tant formels que critiques. La présentation des différents travaux d’atelier lors du diplôme, accompagnée de la rédaction d’un texte reflétant avec distance leur sensibilité, vient clore le premier cycle et amorcer le deuxième. Il s’agit alors d’affirmer un regard à travers une recherche formelle passionnée, articulée et soutenue par la rédaction du mémoire, socle théorique et critique, en vue de l’obtention du DNSEP — grade Master du Ministère de l’Enseignement Supérieur.
Les différents ARC, Séminaires et Laboratoires (liste ci-après) proposés par l’équipe enseignante d’artistes et de théoriciens offrent des canevas sur lesquels viennent tisser les étudiants. Ces terrains de jeux recouvrent des champs, des enjeux et des pratiques majeurs de l’art contemporain. Ils permettent la réflexion collégiale, le croisement des approches et la mise en commun des idées et des réalisations. En partageant les expériences, en réinvestissant des pratiques, les recherches, tant personnelles que collectives, s’affinent, construisant ainsi dans les ateliers et séminaires des modes de faire particuliers.
Le dialogue régulier avec le directeur de recherche (professeur choisi par l’étudiant), encourage l’expérimentation singulière et développe la sensibilité de chaque jeune artiste. Défendre ses choix formels, confronter sa subjectivité au regard de l’autre, apprendre et échanger les savoirs et les techniques conduisent les étudiants à penser la création au cœur d’une articulation entre intime et collectif.
S’ajoutent des journées d’études, des rencontres avec des artistes et des professionnels invités lors de Workshop, l’expérience du stage, qui rythment et aèrent le processus de questionnement.
L’écriture du mémoire accompagne la maturation du projet artistique personnel de chaque étudiant. Nécessairement sensible et critique, elle est guidée par un directeur de mémoire — professeur titulaire d’un doctorat. Avec le directeur de recherche, ils indiquent des pistes, des orientations, des possibles.
La recherche bibliographique et la connaissance de l’histoire de l’art consolident le socle théorique sur lequel repose la réflexion. Il s’agit ensuite de trouver son style, d’être capable de l’aiguiser afin d’offrir au lecteur un texte structuré, qu’il s’agisse d’un essai critique ou d’un conte onirique… Peu importe finalement la forme tant qu’elle répond à l’exigence du mémoire : affirmer son positionnement de créateur contemporain, conscient des enjeux propres à sa pratique. L’objet-livre conçu et réalisé par l’étudiant parachève ce processus de recherche littéraire en revenant à la dimension formelle primordiale propre à l’école d’art : le mémoire devient une œuvre constitutive du diplôme.
De nombreux partenariats (universités, écoles d’ingénieurs, nationales et internationales, musées, entreprises privées) permettent de croiser les réseaux, d’élargir les regards et les approches : autant d’enrichissements possibles, de fils à tisser comme de nœuds à dénouer.
À l’ESAL, la recherche formelle et l’écriture du mémoire permettent la consolidation d’un processus créatif personnel au potentiel subversif et imaginatif. Ils offrent à l’étudiant la possibilité de se déplacer dans ces « espaces interstitiels » dont parle Homi K. Bhabha dans Les lieux de la Culture (1994), de les élargir et de s’y installer afin de questionner la place de l’artiste en tant que sujet social et politique (genre, génération, positionnement institutionnel, lieu géopolitique…). Ils servent ainsi de piliers à son futur engagement professionnel.
Le mémoire à l’ÉSAL : écrire
« C’est depuis la pratique et vers la pratique que les recherches menées dans le cadre du mémoire prennent forme et prennent sens. Le mémoire doit s’inventer, pour permettre à chacun de trouver sa voie(x), de développer ses réalisations, de se positionner dans son propre travail et dans le champ de l’art »
Célia Charvet, coordinatrice du mémoire
La recherche à l’ÉSAL s’est développée à partir d’un point séminal : le mémoire. Contemporain de la constitution de l’ÉSAL en 2011, le mémoire fait l’objet d’un positionnement identitaire et d’un accompagnement spécifique. Dans le second cycle, chaque étudiant est accompagné par un « référent création » et un « référent mémoire », professeur théoricien qui encadre les mémoires et intervient tout au long des cinq années afin de familiariser les étudiants à l’écriture. Le mémoire travaille la singularité de l’univers de l’étudiant et en dévoile les spécificités, les enjeux, les résonances, les filiations. L’expérimentation est au coeur de cette pratique d’écriture(s) dans laquelle l’intuition, la recherche d’une méthode appropriée, l’articulation étroite entre forme et réflexion, voire la mise au jour d’une forme de la réflexion, participent de l’élaboration d’un langage proprement artistique.